Dr Pierre Bouchut : « Les nouvelles générations d’implants permettent de se passer de lunettes avec une qualité de vision remarquable »

7 Déc 2022

Chaque patient est unique et nous veillons à personnaliser la prise en charge et les traitements
Le Dr Pierre Bouchut est chirurgien ophtalmologiste à la Clinique Ophtalmologique ORL Thiers de Bordeaux. Il est spécialisé en chirurgie au laser, chirurgie réfractive et traitement de la cataracte. Pour lui, l’excellence médicale regroupe plusieurs facteurs : les compétences des praticiens et leur hyperspécialisation dans un domaine, la haute technicité du matériel diagnostique et thérapeutique et la recherche de la meilleure solution adaptée à chaque patient.
Pouvez-vous nous dire en quelques mots quel a été votre parcours ?
J’ai fait mes études de médecine à Lyon, puis à Nantes. À Lyon, j’ai eu la chance d’assister à des interventions de médecins référents en matière de chirurgie ophtalmique du segment antérieur, cataracte et chirurgie réfractive. Le Dr Jacques Charleux, notamment, était un précurseur de la pose d’implants. Nous étions alors au début des années 1990, période à laquelle les premiers lasers ont commencé à être utilisés pour la chirurgie réfractive. Être au contact de ces pères de la chirurgie moderne m’a donné envie de m’orienter vers cette spécialité.
Au cours de mon clinicat, j’ai choisi de me spécialiser en chirurgie de la cataracte et chirurgie réfractive. En 1998, j’ai rejoint la Clinique Ophtalmologique ORL Thiers à Bordeaux, qui est l’un des rares centres d’excellence spécialisé en ophtalmologie en France. Les grands volumes de patients, les chirurgiens sur-spécialisés ainsi que le matériel et les dispositifs de pointe dont nous disposons nous permettent d’être considérés comme une référence dans ces domaines.
Aujourd’hui, quels sont vos domaines d’intervention ? 
Je suis spécialisé en chirurgie réfractive pour le traitement au laser des principaux défauts visuels : myopie, hypermétropie, astigmatisme, presbytie ; ainsi qu’en traitement de la presbytie par implants et en chirurgie de la cataracte.
Je suis amené à traiter tous types de patients qui souhaitent se passer de lunettes. Cela peut intervenir soit au décours d’une autre chirurgie, soit indépendamment, pour des raisons de confort visuel. Par exemple, au cours d’une chirurgie de la cataracte, nous pouvons remplacer le cristallin que nous retirons par un implant correctif permettant une autonomie vis-à-vis des lunettes, avec très peu d’effets secondaires. Il existe aujourd’hui de nombreuses catégories d’implants parfaitement adaptés au patient, au terrain et au bilan qui a été réalisé en amont. Les deux yeux sont opérés à quelques jours d’intervalle avec une excellente efficacité et très peu de douleur.
J’opère aussi des patients n’ayant pas de pathologie particulière mais souhaitant corriger leur défaut visuel, grâce à des techniques de chirurgie de surface au laser (Lasik). Ces interventions traitent d’importants troubles réfractifs, sont quasiment indolores, et la récupération visuelle est excellente, le tout en une seule séance et très rapidement : l’intervention dure environ 15 minutes pour les deux yeux, le patient reste moins d’une heure au centre. C’est vraiment un progrès considérable.
Occupez-vous des fonctions dans des sociétés savantes ?
Je fais partie de la Société française d’ophtalmologie (SFO), de l’American Society of Cataract and Refractive Surgery (ASCRS), de l’European Society of Cataract and Refractive Surgeons (ESCRS) et de l’Association française des implants et de la chirurgie réfractive (Safir). Je suis ambassadeur pour la SFO et la Safir : j’organise régulièrement des réunions de travail sur ces thèmes lors de congrès en France ou à l’étranger, avec des orateurs internationaux.
Chaque année en mai ont lieu les congrès de la SFO et de la Safir, ce qui nous permet d’avoir des retours d’expérience sur de nouveaux produits et de participer à des sessions sur les innovations et les perspectives. Nous avons aussi un rôle important de formation auprès de nos confrères dans nos domaines de compétences, par des cours, de cas clinique, de vidéos, de lectures, etc. Je participe également avec la Safir à des « tours de France » lors desquels nous organisons des échanges et des formations dans différentes villes de province. C’est très enrichissant.
L’établissement de Guidelines et recommandations de bonnes pratiques est aussi une activité importante de la SFO et de la Safir, qui travaillent souvent en collaboration.
Il existe aussi tout un travail de cadrage et de réglementation de la profession, qui est réalisé en lien avec le Syndicat national des ophtalmologistes de France.
Quels sont, selon vous, les enjeux actuels et les innovations les plus marquantes de votre discipline ?

Les innovations ont été multiples et extraordinaires ces 20 dernières années. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de consolidation de ces avancées avec des résultats très prédictibles et d’excellentes qualités de vision. Les évolutions sont perpétuelles.
Concernant les implants, les progrès concernent à la fois les optiques et les matériaux. Les nouvelles générations d’implants haute technologie qui se sont développées ces dernières années permettent de se passer de lunettes avec une qualité de vision remarquable, sans perte de contraste, sans hiatus entre la vision de près et celle de loin, tout en filtrant les UV et la lumière bleue, en offrant même des compensations chromatiques pour mieux distinguer les couleurs… En termes de lasers, là aussi les progrès sont notables. Ceux de dernière génération ont des profils d’ablation rapides et très précis. Ils apportent une grande qualité de vision de jour comme de nuit, avec une grande profondeur de champ.
Dans les années 2007, la Clinique Ophtalmologique ORL Thiers a été l’un des premiers établissements à acquérir un plateau technique complet de lasers pour la chirurgie réfractive, dont les lasers femtosecondes et excimer qui sont extrêmement précis et performants. Ces matériels sont renouvelés régulièrement, nous disposons des toutes dernières générations.
L’enjeu aujourd’hui est de continuer dans cette voie : être toujours plus performant, intégrer tous les plateaux techniques de dernière génération et utiliser les examens d’imagerie et d’analyse topographique dont nous disposons (scanners, Optical Coherence Tomography – OCT), pour proposer à chaque patient la solution technologique la plus précise.
Par ailleurs, quelques prémisses de chirurgie robotisée se font jour pour les décennies à venir. Elles pourront sûrement constituer une aide pour le chirurgien et apporter une sécurité supplémentaire au patient. Elles concernent deux voies :
– l’assistance par des “lasers frugaux”, en développement, permettant une aide technologique supplémentaire au moindre coût (exemple laser femto seconde pour capsulorhexis) ;
– l’assistance robotisée, le chirurgien pilotant le robot à distance, comme cela existe depuis plusieurs années pour d’autres chirurgies comme l’urologie.

Détail laser excimer Teneo Bausch + Lomb

Plateforme Refractive laser femto seconde Ziemer Z8 et Laser excimer Teneo Bausch + Lomb

De façon plus globale, quelles sont les problématiques de prises en charge ?  
Les problématiques diminuent au fur et à mesure des progrès réalisés, notamment en anesthésie : avant une chirurgie au laser, il suffit de quelques gouttes dans les yeux pour que l’anesthésie soit suffisante ; pour une chirurgie par implants, en plus des gouttes sont ajoutés un léger relaxant et une surveillance anesthésique. Cela simplifie beaucoup les interventions et donne la possibilité d’opérer des personnes parfois très âgées. De plus, pour les interventions, il n’est pas nécessaire de stopper un éventuel traitement par anticoagulants. Il y a très peu de contre-indications d’ordre médical et pas de préparation spécifique préopératoire ; le retour à domicile est très rapide, ce qui évite le risque de désocialisation des patients âgés.
La Clinique Ophtalmologique ORL Thiers est un établissement de référence pour la qualité de ses soins et un lieu de formation reconnu pour les praticiens
Quelle est la place du patient dans votre domaine ?
Aujourd’hui, les patients sont relativement bien informés sur les traitements et les interventions. Généralement, ils se sont renseignés avant la consultation sur les techniques existantes. Nous commençons par les écouter afin de bien cerner leurs attentes. Puis nous veillons à leur donner une idée claire de ce qu’ils peuvent attendre et de ce que nous pouvons leur proposer. Parfois, il faut recadrer un peu les demandes car il existe des contre-indications dans certains cas : nous n’opérerons pas une cornée trop fine et nous ne poserons pas d’implant en cas de rétine trop abîmée. De même, nous prenons le temps d’expliquer les rares possibilités de complications – je dirais plutôt d’aléas – qui peuvent survenir au cours de l’intervention. Le bilan préopératoire est complet : examen de la cornée et de sa topographie, étude des cellules endothéliales, de l’iris, du cristallin, de la rétine, recherche d’aberrations réfractives de haut degré, etc. Ces données permettent d’évaluer avec les patients les différentes options envisageables, et de les orienter vers la meilleure solution, en fonction de leur demande et des résultats d’examens. Chaque patient est unique et nous veillons à personnaliser la prise en charge et les traitements.
Diriez-vous que les patients sont plus exigeants qu’avant ?  
Oui, il est vrai que leur degré d’exigence a évolué : autrefois, nous recevions des patients qui venaient pour un traitement de leur pathologie. Aujourd’hui, ils souhaitent non seulement être traités pour leur pathologie, mais aussi, voir mieux qu’ils n’ont jamais vu ! Les motifs de consultation ont changé et il est fréquent de recevoir des demandes d’intervention chirurgicale pour traiter « simplement » une gêne visuelle ressentie devant un écran ou lors de la conduite, par exemple. Les techniques actuelles répondent à ce haut niveau d’exigence dans la très grande majorité des cas. Il faut noter, à ce propos, que les interventions en ophtalmologie sont considérées par un grand nombre de personnes comme étant simples, efficaces, et comportant peu de risques. Mais il faut savoir que, pour aboutir à ces résultats, il y a fallu déployer d’énormes efforts de formation et de recherche, et consacrer plusieurs milliers d’heures à des travaux d’analyse et d’entraînement en amont.
Quelles sont les perspectives pour les prochaines années ?
En 2022, nous avons déménagés dans un nouvel établissement qui permet de mettre en œuvre des circuits courts entièrement dédiés à la chirurgie ambulatoire pour toutes les interventions qui s’y prêtent : cataracte, chirurgie du cristallin clair par implant, greffes, glaucome, etc. Le patient est orienté tout au long de son parcours avec des flux relativement tendus pour éviter de trop longues attentes. Une zone est dédiée à la chirurgie réfractive par laser, avec des plateformes d’examen et de chirurgie regroupées en un seul lieu afin d’apporter plus de fluidité et de confort.
Que représente pour vous l’excellence médicale ?

L’excellence médicale demande non seulement de disposer de compétences de haut niveau, d’une expertise de pointe, mais aussi d’échanger régulièrement entre pairs et de continuer à se former pour apporter la meilleure solution à chaque patient. J’ai la chance d’exercer à la Clinique Ophtalmologique ORL Thiers, qui est un établissement de référence pour la qualité de ses soins et un lieu de formation reconnu pour les praticiens. Cette excellence, nous la devons à nos importants volumes d’activité, et aux compétences de pointe de nos médecins, qui sont « hyperspécialistes » de leur domaine : cornée, rétine, chirurgie réfractive…

Quel est selon vous le rôle du chirurgien ophtalmologiste dans la société ?
Aujourd’hui, nous pouvons prendre en charge un grand nombre de pathologies et de de défauts visuels. Restaurer la vision, aider à obtenir une qualité de vie pérenne, donner plus de liberté en permettant de se passer de lentilles ou de lunettes, c’est un très beau rôle ! Nous développons tous les jours nos connaissances et nos compétences, et nous donnons le meilleur de nous-mêmes pour améliorer sans cesse nos résultats, et apporter la meilleure réponse possible adaptée à chaque patient.
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Propos recueillis par Emmanuelle Barsky