Dr Laura Duminil : « La chirurgie cœlioscopique par voie vaginale est un progrès pour les patientes comme pour les chirurgiens »

11 Mai 2022

En cancérologie, les thérapies ciblées et l’immunothérapie sont des axes de recherche intéressants.
Le Dr Laura Duminil est une gynécologue obstétricienne passionnée par son métier. Polyvalente, elle investit tous les domaines de sa spécialité : chirurgie gynécologique, carcinologique, prolapsus génitaux, suivi obstétrical et accouchements, suivi gynécologique… En mars dernier, avec son équipe, elle a utilisé pour la première fois une technique opératoire particulièrement innovante : la chirurgie cœlioscopique par voie vaginale.

Pouvez-vous nous dire en quelques mots quel a été votre parcours ?

J’ai 35 ans, je suis gynécologue obstétricienne à la Polyclinique Bordeaux Nord Aquitaine. J’ai effectué ma première année de médecine à Lille en 2005 et j’ai passé le concours de l’internat en 2011. Lors de mon stage de 5e année en tant qu’externe en gynécologie à Lille, je suis rentrée un soir chez moi et ma décision était prise : je savais que je voulais exercer en tant que gynécologue obstétricienne. J’avais eu l’occasion d’assister à un accouchement, à une césarienne, à une échographie, j’avais échangé avec des patientes… Depuis ce jour, c’est vraiment une passion pour moi.
J’ai fait mon internat de gynécologie obstétrique à Reims, j’ai été chef de clinique pendant 2 ans puis praticien hospitalier pendant 2 ans également.
En 2021, j’ai rejoint la Polyclinique Bordeaux Nord suite au départ du Dr Constantopoulos. Celui-ci cherchait une gynécologue obstétricienne « polyvalente » qui puisse aussi prendre en charge des activités de chirurgie, d’obstétrique et de suivi. C’est ce que j’aime particulièrement dans mon métier : on ne sait pas de quoi la journée va être faite. Accouchement, consultation, bloc opératoire, échographie fœtales ou gynécologiques… J’aime particulièrement cette variété dans mon exercice. Aujourd’hui, j’observe de plus en plus une tendance à la surspécialisation dans un domaine d’expertise : en chirurgie mammaire, en chirurgie des prolapsus, ou en obstétrique uniquement. C’est dommage, à mon sens. J’ai choisi d’embrasser le métier dans sa globalité et c’est passionnant. J’ai un domaine de prédilection : la pelvi-périnéologie (la chirurgie des prolapsus), mais je considère que l’obstétrique est la base de notre métier et je ne pourrais pas choisir entre l’une ou l’autre de mes activités. J’ai la chance d’exercer à la Polyclinique Bordeaux Nord où cette polyvalence est possible et où les ressources, en termes d’examens complémentaires par exemple, sont rapidement disponibles et mobilisables (TEP-scan, scintigraphie…).

Occupez-vous des fonctions dans des sociétés savantes ?  
Je fais partie du Conseil d’administration du Collège de gynécologie de Bordeaux et du Sud-Ouest (CGBSO). Par ailleurs, en tant que chef de clinique, j’ai eu un rôle d’encadrement et de formation des internes et des externes, pendant mon post-internat.

Quels sont, selon vous, les enjeux actuels de votre discipline ? 

Les enjeux de la discipline concernant la chirurgie gynécologique résident dans la poursuite du développement du mini-invasif et la réhabilitation précoce postopératoire (RAAC) : cœlioscopie, petites incisions (3 mm), la chirurgie robotique permettant de travailler plus confortablement avec moins de pression… Les patients sont placés au centre de leur parcours de soins, qui est établi en amont. Nous privilégions la fluidité et la rapidité de prise en charge ainsi que le recours aux professionnels paramédicaux pour permettre un accompagnement global et de qualité (psychologues, sexologues, ainsi que pour la pratique sportive). Ainsi, les suites opératoires sont plus simples et la récupération plus rapide.
Il existe aussi un fort enjeu actuellement en termes de ressources humaines tant au bloc opératoire (infirmiers) qu’au bloc obstétrical (sages-femmes), car la France manque cruellement de sages-femmes et de gynécologues obstétriciens depuis un moment déjà. Je pense qu’il existe un désamour de la profession à cause d’une absence de valorisation et de reconnaissance du métier.
La prévention se développe de plus en plus, notamment en pelvi-périnéologie 
Il existe une désaffection pour le métier de gynécologue obstétricien ?  
Oui, le manque de gynécologues obstétriciens se fait sentir de plus en plus. Il s’agit d’un métier « à risques » avec un fort aspect médicolégal lié aux accouchements et aux interventions chirurgicales : une assurance élevée, des procédures et des expertises, qu’il faut accepter… Devant cette carence en gynécologues, notamment en ville (par exemple, pour 150 actuellement, il n’y en aura que 50 en 2030), les sages-femmes se sont formées pour réaliser toutes les consultations physiologiques. Elles réalisent des échographies obstétricales, chose qu’elles ne faisaient pas auparavant. Elles revendiquent la reconnaissance de leur statut médical et demandent une revalorisation de leur salaire vis-à-vis de ces nouvelles responsabilités, et c’est bien normal. Il va falloir réorganiser notre réseau de soins, prendre en compte ces contraintes et carences et collaborer ensemble.

Quelles sont les innovations les plus marquantes aujourd’hui pour votre exercice ? 

Nous disposons à Bordeaux d’une technique tout à fait innovante : la chirurgie cœlioscopique par voie vaginale (vaginal natural orifice transluminal endoscopic surgery : vNOTES) appelée aussi chirurgie sans cicatrice abdominale. Après avoir ouvert le vagin de la patiente, il s’agit de positionner un disque en silicone à usage unique, insuffler un pneumopéritoine et introduire la caméra et les instruments chirurgicaux. Ce mode opératoire est employé en particulier pour les hystérectomies et les chirurgies bénignes des ovaires ou des trompes (ligatures tubaires). Il allie les bénéfices de la cœlioscopie et ceux de la voie vaginale conventionnelle. La visibilité est grandement améliorée pour le chirurgien et les aides opératoires, il n’y a aucune cicatrice abdominale, l’anesthésie est loco-régionale et la récupération est plus rapide pour la patiente (prise en charge en ambulatoire).

Nous avons réalisé notre première intervention vNOTES à la polyclinique de Bordeaux en mars dernier. Les avantages pour la patiente sont indéniables : absence de cicatrice, moins de douleurs, plus faible consommation d’antalgiques, retour rapide à la maison, procédure en ambulatoire, récupération postopératoire accélérée. Il existe aussi un intérêt pour la clinique car le temps d’intervention est raccourci, la durée d’hospitalisation est réduite (hystérectomie en ambulatoire), et cette technique novatrice est attractive pour les patientes.
Pour l’équipe chirurgicale enfin, l’installation est plus confortable qu’en cœlioscopie, l’ergonomie chirurgicale est meilleure, et cette intervention nécessite un seul aide opératoire (contrairement à l’hystérectomie cœlioscopique qui nécessite parfois un deuxième aide).
Enfin, l’avantage financier est également intéressant, car le coût est le même que pour une cœlioscopie classique.

La technique Vnotes permet de réaliser des interventions en utilisant la coelioscopie par voie vaginale.

Salpingectomie réalisée par le Dr Gilles GIOANNI, avec le Dr Laura Duminil.

Quelle est la place du patient dans votre domaine ?

Aujourd’hui, les patientes prennent la parole et c’est une bonne chose ! Elles lisent beaucoup et sont largement informées. Les femmes enceintes arrivent parfois avec des demandes particulières et une idée précise quant à leur « accouchement rêvé ». Or, en obstétrique, bien souvent il faut envisager un plan A et un plan B… Les femmes ont quelquefois du mal à accepter cette réalité. Mais elles veulent s’approprier leur accouchement, ressentir ce qui se passe, être actrices de cette naissance, et c’est un vrai progrès !
De la même manière, pour les interventions chirurgicales, la patiente doit avoir compris des possibilités thérapeutiques, des conditions de l’opération, des risques de complications, etc. et avoir donné son consentement. Nous ne sommes plus dans une médecine patriarcale, et c’est tant mieux !
Quels sont les sujets de recherche actuels et les perspectives à venir ?
Les thérapies ciblées et l’immunothérapie sont des axes de recherche intéressants en cancérologie, en cas d’impasse thérapeutique avec la chimiothérapie ou l’hormonothérapie.
La désescalade chirurgicale en cancérologie est aussi un domaine qui va continuer à progresser. Au lieu de procéder à un curage ganglionnaire étendu, les techniques colorimétriques permettent désormais d’identifier le ganglion malade ou suspect. Le geste opératoire est moins invasif, avec moins de complications.
Je note aussi que la prévention se développe de plus en plus, notamment en pelvi-périnéologie : il est important que les femmes soient informées et sensibilisées pour protéger leur périnée. En effet, pour prévenir autant que possible la formation d’un prolapsus, ou éviter sa récidive, il faut commencer par corriger les facteurs favorisants, comme une pratique sportive créant des hyperpressions abdominales, ou une constipation chronique, une obésité…
Quels sont les nouveaux projets que vous avez développés récemment, ou que vous souhaiteriez mettre en œuvre ?
À la Polyclinique Bordeaux Nord Aquitaine, nous avons développé cette année des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) en pelvi-périnéologie, à l’image de ce qui existe déjà en cancérologie. C’est vraiment innovant. Une fois par mois, nous discutons ensemble des dossiers de prolapsus, en multidisciplinarité : gynécologues, urologues, radiologues, kinésithérapeutes, chirurgiens digestifs…
Nous mettons en place la même chose concernant l’endométriose avec des psychologues, sexologues, médecins de la douleur, associés aux chirurgiens (gynécologiques, urologues, digestifs) et aux radiologues.
C’est très intéressant pour les professionnels comme pour les patientes, qui sont informées des décisions thérapeutiques prises en collégialité. Et cela démontre que les parcours patients et la collégialité sont la force de la médecine moderne !
Qu’est-ce qui vous tient particulièrement à cœur aujourd’hui ?
Je pense que « l’humain » est vraiment à mettre au cœur de nos pratiques. Il faut absolument prendre soin des personnels de santé, car nous savons combien chaque maillon de la chaîne de soins est essentiel.

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Propos recueillis par Emmanuelle Barsky

Pour en savoir plus :

Haute Autorité de santé. Prolapsus génital de la femme : prise en charge thérapeutique. 2021.
https://www.has-sante.fr/jcms/p_3270984/fr/prolapsus-genital-de-la-femme-prise-en-charge-therapeutique